Dégustation du soir, Jamaïque, Saison 7: 2023

S7 E3: Long Pond

Après une soirée quelque peu particulière, nous nous retrouvons autour d’un grand classique du rhum jamaïcain (et du rhum en général), la distillerie Long Pond. Je pense pas qu’il soit encore nécessaire de vous présenter la distillerie, elle fait partie de mes distilleries préférées et on la retrouve très souvent dans les propositions des embouteilleurs indépendants. Plus récemment elle s’est lancée dans l’embouteillage officiel, l’occasion pour nous de faire ce soir quelques comparaisons intéressantes 😉

Le line up, dans le désordre

1 – Rum Stylez STCE – 57%

Comme d’habitude nous commençons par un rhum blanc pour mieux apprécier l’ADN de la distillerie du jour. Ici nous avons dégusté une sélection spéciale pour Rum Stylez d’un rhum du mark STCE. Au programme, 416,3g/hlpa d’esters dans le verre, de quoi nous parfumer le palais en ouverture. Cette sélection est toujours commercialisée au tarif plein d’une cinquantaine d’euros.

Nez

Très proche de ce que l’on en attend, le nez est marqué par le solvant (vous savez, celui des feutres de notre enfance) et les fruits, ananas en tête.

Bouche

Pas de surprise non plus en bouche, les solvants sont toujours là même s’ils s’accompagnent plus du côté végétal de la canne fraîche ainsi que d’une petite sucrosité agréable. Une bonne entrée en matière en somme.


2 – Habitation Velier STCE 2019 – 60%

Nous restons sur le même mark mais en version vieillie cette fois. Celui-ci et le suivant sont servis en même temps pour mieux les comparer. Au programme ici un rhum distillé en 2019 et vieilli 3 ans sur place. Il arbore un taux d’esters de 497,6 g/hlpa et un taux d’alcool de 60%. Il a été commercialisé autour des 80-90€ et est encore trouvable par endroits.

Nez

Le rhum a beau être jeune, il a pas mal de choses à dire d’entrée de jeu. Il est parfumé, sur un mélange de banane verte et de boisé léger. Rien d’opulent ni d’écrasant, mais un nez tout de même typique de la Jamaïque. Quelques notes empyreumatiques ainsi qu’une vanille teintée de caramel donnent du caractère au profil.

Bouche

Pas de surprise en bouche, le ressenti est le même. La jeunesse se ressent mais avec des notes marquées de caramel, de banane verte et d’agrumes. La vanille apparaît un peu tard dans la finale. Un rhum presque facile malgré les 60% et le taux d’esters qui pourraient en freiner plus d’un.


3 – Nectar Long Pond STCE 2020 finish PX – 55%

En parallèle du précédent nous avons donc dégusté cet autre STCE, un rien plus jeune (2020 au lieu de 2019) mais surtout qui a subi une partie de son vieillissement en fût de Sherry (PX plus exactement). Aucune information technique sur la bouteille malheureusement, si ce n’est le taux d’alcool (55%) et le tarif de sortie qui était d’une soixantaine d’euros, même s’il devient très compliqué à trouver en ligne.

Nez

Étonnamment beaucoup plus marqué par les solvants que son frère de dégustation. Exit la banane verte et la fraîcheur, ici c’est plutôt la colle, la cellulose, la fumée et les fruits secs qui sont omniprésents, enrobés dans un bain de solvants avec quelques notes de soufre et de vanille. Le contraste est surprenant.

Bouche

Sur le palais il rentre un peu plus dans les clous d’un jamaïcain, il est jeune mais pas trop malgré ses à peine deux ans (et l’alcool est bien intégré). La vanille et les épices viennent arrondir la fraîcheur de la banane verte et des fruits tropicaux (ananas et passion en tête). Un rhum apprécié par l’assemblée et que certains regrettent d’avoir loupé à sa sortie.


4 – Calvados Drouin – Long Pond finish – 45%

Une pause repas plus tard, il est temps de s’y remettre et quoi de mieux pour commencer en douceur qu’une petite pomme? Alors non, ce n’est pas un rhum… mais ce Calvados de la maison Drouin qui a terminé son vieillissement pas un passage en fût ayant contenu un rhum de chez Long Pond a tellement pris le meilleur des deux mondes qu’il était presque incontournable dans ce line-up. Au programme, 14 ans de vieillissement pour ce Calvados Pays d’Auge, pour ensuite terminer par 7 mois dans le fût d’un ex Long Pond ITP 1995. Le résultat, titrant à 45%, a été commercialisé un rien sous les 100€ et si vous aimer le rhum et que vous ne devez vous offrir qu’un seul Calvados, c’est sans doute celui-ci!

Nez

Le meilleur des deux mondes, sans hésitation. Tout d’abord aucun doute, c’est un Calvados. La pomme est nette, avec une belle fraicheur. Mais derrière l’influence du rhum jamaïcain est présente directement, avec de l’ananas et ce côté pâtissier si caractéristique mais ici présent tout en délicatesse. Le boisé est présent mais léger, tout en équilibre. Impossible d’y résister!

Bouche

Le profil dès la première gorgée est une suite parfaite du nez. La douceur prédomine, avec une jolie compote de pommes dans laquelle on aurait ajouté de l’ananas. L’alcool est parfaitement intégré dans un mariage homogène. Il n’y a pas de place au doute, dans le verre c’est bien un Calvados, mais l’influence jamaïcaine est marquée tout le long de la dégustation.


5 – Plantation VRW 2009 – Orange wine finish – 53%

Retour au rhum avec le seul rhum Plantation du line up (alors que pour rappel, Ferrand est propriétaire d’une part importante de la distillerie Long Pond). Au programme, un rhum de 2009, arborant le mark VRW (léger, 200 à 300g/hlpa d’esters), ayant passé 8 ans en Jamaïque avant d’en passer 4 de plus du côté de Cognac, dont une partie en fût de vin orange. Il a été sélectionné par Excellence Rhum et est toujours commercialisé à 95€.

Nez

La rondeur de la « touche Plantation » est immédiatement perceptible. Le profil est gourmand, avec un côté assez végétal, sur les fruits verts comme la banane. La vanille et le sucre cuit en rajoutent une couche mais sont équilibrés par une jolie note acidulée, entre le fruit de la passion et le bonbon arlequin.

Bouche

Le boisé qui se faisait discret au nez fait un pas en avant et se fait remarquer. Il n’empêche pas la gourmandise du nez de transparaître également. Les fruits sont tantôt mûrs (tropicaux et agrumes), tantôt confits. Les notes torréfiées (voire grillées) complètent le sentiment général d’un joli rhum au verre.


6 – Long Pond ITP 15 ans – 45%

Jusqu’il y a peu la distillerie n’embouteillait pas elle-même ses propres rhums. C’est maintenant chose faite avec cet embouteillage officiel d’un ITP (suivi depuis d’un VRW au tarif complètement perché). Au programme, un mark léger sur papier (90-120g/hlpa d’esters) mais qui nous a déjà prouvé son potentiel, notamment avec les « extreme » de chez Plantation. Il y a d’ailleurs fort à parier que 15 ans passés en fût de chêne américain sous le climat jamaïcain devrait avoir marqué le rhum. Reste le tarif, sorti tout juste sous les 300€ (!!), il a été trouvable largement plus bas que ce prix (dans les 180€) et heureusement!

Nez

Il émane du verre une gourmandise indéniable pour un rhum dont on sent tout de suite qu’il sera accessible. La vanille est fraîche et bien présente, agrémentée d’une poignée de fruits secs et de notes de fruits exotiques. Les parfums attendus d’un rhum jamaïcain sont là mais relativement légers. Le tout est relevé par une note épicée finale.

Bouche

Le boisé est beaucoup marqué en bouche qu’au nez, avec une amertume et une poignée d’arômes lourds. L’empyreumatique presque goudronnée se joint à la vanille et aux fruits jamaïcains pour un rhum lourd et complexe, qui demandera pas mal d’ouverture malgré son faible degré d’alcool. Un léger manque de gourmandise en ce qui me concerne mais une belle réussite quand même pour un premier embouteillage officiel.


7 – Barikenn ITP 2007 15 ans – 58,3%

Continuons avec un rhum d’un embouteilleur que nous avions déjà exploré la fois passée: Barikenn. Sur le papier nous sommes très proches du précédent: même mark, même âge et vieillissement presque exclusivement tropical (13 ans en Jamaïque, 2 ans sur le continent dans le même fût). Les différences viennent de l’embouteilleur: premièrement le rhum est moins réduit comme l’indique son titre de 58,3%, de quoi nous fournir plus de puissance en bouche normalement. Deuxièmement son prix: il est toujours commercialisé autour des 130€… sacré différence pas rapport au tarif officiel du précédent.

Nez

La filiation avec l’autre ITP du line up est bien présente même si celui-ci exhale un parfum plus expressif dès le premier abord. Le sucre grillé enrobe une noix de coco vanillée du plus bel effet. Le mariage entre le profil jamaïcain habituel (à base d’ananas) et cette coco apporte une gourmandise nette des plus agréable en regard du titre alcoolique.

Bouche

Le boisé se mêle à la danse sur le palais, avec une présence forte, accompagné de ses habituelles notes de vanille. La gourmandise du nez laisse place à une vivacité légèrement trop présente et qui du coup pousse à laisser l’aération travailler plus longtemps. Derrière celle-ci les notes fruitées réapparaissent mais sans gagner la course avec ce boisé décidément bien présent, même s’il n’est pas excessif non plus. Bref un rhum difficile à appréhender qui pourtant a clairement du potentiel!


8 – Velier Cambridge 2010 – 57%

Nous terminons avec un embouteillage au nom anglais, par un embouteilleur italien mais au final 100% jamaïcain. Souvenez-vous, je vous avais déjà parlé de Cambridge et de son histoire. Cette ancienne distillerie est à la base du mark STCE (pour Simon Thompson Cambridge Estate). La série continue avec ce nouvel embouteillage made in Velier. Alors certes, cet embouteillage est, comme les séries précédents, badgé Nation Rum of Jamaica mais personne n’est dupe et c’est bien Velier qui est derrière, donc appelons un chat un chat 😉 Au programme, un rhum qui a passé 12 ans sous les tropiques avant que les 15 fûts ne soient assemblés pour être embouteillés au titre historique de 57%. La bouteille a été commercialisée autour des 160€ et est sans doute encore trouvable, même si ça devient difficile.

Nez

Entre le titre alcoolique et la charge aromatique liée au mark, pas de miracle c’est expressif dès le premier contact! Le profil est vif et chargé, marqué à la fois par les solvants et la vanille, typiquement « funky jam« . Les fruits tropicaux sont mûrs mais équilibrés, pas du tout dans l’omniprésence. Avec l’ouverture le rhum gagne en gourmandise, avec une vanille qui prend plus de place et des fruits qui virent à la compote. Très réussi dans le genre!

Bouche

Même si sa présence était discrète au nez le boisé occupe le premier plan en bouche. Celui-ci est vanillé mais surtout grillé voire brûlé, avec des notes empyreumatiques nettes. De nouveau c’est avec l’ouverture que la gourmandise approche, avec des fruits qui font leur retour et un profil qui gagne en légèreté par rapport au premier contact très lourd.


Conclusion

La conclusion est relativement simple tant les invités sont repartis avec ce sourire des bonnes fins de soirées. La sélection leur a permis de parcourir toutes les bonnes choses que la distillerie a à proposer même si nous n’avons pas exploré ensemble les marks les plus costauds (du TECA au TECC). Le Nectar finish PX a remporté une belle partie des coeurs, l’ITP de la distillerie et le Cambridge ont emporté l’autre mais aucune bouteille n’est repartie avec une mauvaise impression et c’est bien là l’essentiel!


Cet article reprend les notes de dégustation combinées de Cédric Lorne et Cédric Sip

Retrouvez les bouteilles de cet article sur l’application RumX:

STCE Rum Stylez, Habitation Velier 2019, Nectar STCE finish PX, Plantation VRW, Long Pond 15 ans, Barikenn ITP, Cambridge 2010

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