Saison 7: 2023, Soirées Amis des Amis du Rhum

S7 E2: Carte Blanche à Roger Caroni

Nous voici au deuxième rendez-vous de la saison et au moment pour le groupe de faire les choix de thèmes de la saison, une proposition « pour rire » est sortie du lot: une carte blanche à notre Roger national. Après tout pourquoi pas, Roger passant son temps à raconter des carabistouilles sur son blog, pourquoi ne pas lui laisser une soirée pour en ajouter une soirée? Bref, nous voilà partis pour une soirée à l’accent liégeois avec une sélection de bouteilles jugées dignes d’intérêt notre invité! Petite particularité, Roger a souhaité présenter les rhums à l’aveugle pour gommer les à prioris, et ce fut instructif 🙂

Petite note informative: cet article reprend les notes de dégustations de Cédric L, Thomas et Cédric Sip.

1 – Depaz 55 – 55%

Première étape, l’un des blancs les plus incontournables du paysage agricole, j’ai nommé le Depaz 55%. Si vous ne le connaissez pas, sachez qu’on est proche du crime. Et si après cette note de dégustation vous ne vous en procurez pas un, sachez que là on y sera, dans le crime! Au programme donc, un extrait du soleil martiniquais mis en bouteille, qui se trouve facilement pour 25€ en métropole (bien moins sur place mais bon…), que demander de plus? La seule requête est celle adressée à la distillerie: surtout ne supprimez pas cette référence!

Nez

Si je devais résumer je dirais que ça sent bon, on y retrouve tout ce qu’on aime retrouver dans un agricole blanc. La canne fraîche est évidente, largement citronnée, pour une fraîcheur indéniable dès le premier abord. Le profil prend une teinte végétale évidente et se renforce avec une pointe de réglisse pour apporter une petite rondeur qui finalise l’impression général.

Bouche

Toute en cohérence, la bouche est évidemment marquée par la canne fraîche et le citron. C’est frais et ultra efficace, l’alcool est intégré, la pointe de réglisse est là aussi pour un rapport qualité/prix imbattable. Il fait certainement partie des incontournables, pur ou en ti’punch, tant il est exactement là où il doit être.


2 – Chantal Comte Cuvée Caribaea – 50%

Deuxième bouteille de la soirée, on ne se déplace pas beaucoup puisqu’on reste en Martinique. Nous dégustons cette fois la Cuvée Caribaea, un rhum que Chantal Comte a sélectionné chez La Mauny. Distillé en 2020, il a passé une petite année en cuve avant d’être mis en bouteille à 2500 exemplaires. Comme pour les autres cuvées du même nom, une partie des bénéfices de ces bouteilles est reversée à l’association qui protège la biodiversité dans les Caraïbes. De quoi faire oublier le tarif élevé de cette bouteille (plus de 70€)? Rien n’est moins sûr.

Nez

Difficile de passer après l’efficacité du Depaz. Le nez est d’abord discret, végétal mais tout en finesse. Avec le temps il se met en place et nous libère son profil, comme s’il fallait le mériter. Un sucre de canne léger apporte une certaine rondeur olfactive, teintée de notes de poivre qui rendent le profil plus complexe que le rhum précédent. J’y retrouve par moment des notes qui me rappellent un profil de rhum vieux… étonnant.

Bouche

Le côté végétal fin du nez prend plus de place en bouche, marqué par un sucre de canne lui aussi présent pour toujours apporter cette sucrosité. Des notes herbacées apportent une légère amertume en bouche, à la limite du dérangeant selon le palais. Une pointe de réglisse fait ici aussi son apparition pour un profil intéressant (et même plus que ça pour Cédric L) mais qui malheureusement ne suffira pas à nous faire passer au-dessus de son prix.

3 – Bristol Caroni Felicite Gold – 40%

Qui dit Roger dit forcément Caroni. Évidemment il en fallait au line-up et évidemment aussi, les embouteillages Velier n’étaient même pas envisageables vu la spéculation qu’ils subissent. Notre maître cérémonie s’est alors tourné vers cet embouteillage par Bristol d’un Caroni « léger ». Après quelques années de vieillissement (la fiche technique n’est pas des plus précise), nous voilà devant un Caroni annoncé comme peu chargé en arômes, un Caroni facile, en somme. Bon après ça reste un Caroni, donc n’espérez pas toucher cette bouteille à un tarif abordable, même si elle est trouvable à 130€ (ce qui reste énorme tout de même).

Nez

Présenté à l’aveugle le profil a étonné. Le boisé est léger, marqué par une pointe sucrée, des notes d’amande mais surtout par des notes fumées, entre le grillé et la fumée de cigarette. Le profil est fin, pas dans l’extravagance, mais il est marqué par des notes lourdes ce qui peut être surprenant

Bouche

Dans la lignée du nez, le profil est tout en finesse, sur le boisé et les notes toastées/grillées/fumées. Des fruits secs, une note de caramel, un peu de vanille, de cacao et une pointe de bitume Caroniesque mais assez peu de gourmandise et une longueur assez (trop) limitée. Alors non, ce n’est pas désagréable et oui ça se boit facilement, mais pour le tarif on est en droit d’en attendre bien plus nous semble-t-il.


4 – Hampden « The Younger » LROK 2016 – 47%

Le rhum suivant avait déjà été présenté lors d’une dégustation précédente mais il restait intéressant à être présenté à l’aveugle et en dehors d’un lineup Hampden plus chargé. Je ne vous remets donc pas de note de dégustation ici mais il a été apprécié, sans doute plus que lors de la soirée dédiée à la distillerie car il contrastait pas mal avec le Caroni précédent et le Dillon suivant.


5 – Dillon XO 12 ans – 45%

Retour sur une valeur sûre du monde martiniquais avec le 12ans de chez Dillon. Leader martiniquais du rapport qualité/prix, la distillerie propose un assemblage de 12 ans minimum pour une petite cinquantaine d’euros en métropole… Pour info, Saint James est à une quinzaine d’euros de plus, Bally et Trois Rivières autour des 75-80€ et on ne parlera pas de Neisson. Alors vous me direz: « pas cher c’est bien, mais est-ce que c’est bon? »… et bien oui c’est bon, et c’est là tout l’intérêt de cette bouteille dans le line up à l’aveugle du jour!

Nez

Le profil est assez clair dès le début mais on sent qu’il va évoluer. On commence avec un boisé élégant, teinté de notes torréfiées, de fumée, de bois ciré, de vanille et de fruits secs. Mais l’ouverture faisant le rhum gagne en gourmandise, avec un fruité qui pointe le bout de son nez pour apporter en finesse du fruit rouge, de la poire et de la banane au profil.

Bouche

De façon très cohérente, on retrouve en bouche les éléments du nez. Le boisé est toujours le premier marqueur mais toujours sans être oppressant, en apportant une structure comme pour canaliser les autres arômes. La vanille apporte sa gourmandise, bien aidée par les fruits mûrs. Quelques notes d’épices se joignent à une pointe végétale et à un côté vineux mais le tout reste sous un seul maître mot: l’équilibre. La longueur est très belle, largement acceptable, pour un rhum qui aura conquis sont public


6 – Bielle 2012 Sélection Rum Stylez –

Changement d’île, direction l’autre grand pôle d’attraction des Antilles françaises: la Guadeloupe. Plus précisément nous faisons un arrêt à Marie-Galante pour un rhum de chez Bielle, sélectionné par Rum Stylez, distillé en 2012 et vieilli 10 ans sur place pour être embouteillé brut de fût à 55,1%. Il est commercialisé 149€, ce qui n’est pas des plus abordable mais qui reste dans la gamme de prix Bielle.

Nez

Le profil est somme toute assez classique pour la distillerie. Le boisé est intégré, marqué par une belle présence vanillée et saupoudré d’un mélange de sucre cuit et d’épices intéressant. L’alcool se fait parfois un tout petit peu ressentir mais sans doute qu’une bonne aération devrait gommer ce défaut. Une certaine gourmandise, avec quelques notes d’ananas et de poudre à canon viennent compléter le ressenti.

Bouche

La petite pointe alcoolique du nez se retrouve multipliée sur la langue, avec une attaque assez vive. Pour le reste on bascule vers le boisé, toujours teinté d’une belle vanille et de quelques fruits comme l’ananas et les fruits rouges. Un petit caramel enrobe le tout mais on reste sur sa faim quand on est amateur de Bielle, la trame habituelle de la distillerie est ici comme étouffée, on a l’impression qu’elle n’ose pas s’exprimer.


7 – Barikenn Port Mourant

Si vous connaissez Roger vous le savez: son amour pour les rhums de Port Mourant est incommensurable et n’a d’équivalent que la flamboyance de l’accent liégeois dans le monde. Impossible donc de passer à côté de la distillerie! Nous avons donc opté pour l’embouteillage français de chez Barikenn, avec un rhum distillé en 2012 et embouteillé après 10 ans passés en fûts ex-Bourbon et ex-Rhum. La bouteille est commercialisée au tarif de 85€, soit un tarif plus que correct pour ce genre de rhum.

Nez

À peine le nez posé sur le verre que le moindre doute qu’on pourrait avoir sur l’endroit où on a posé les pieds disparaît. Le bois mouillé marque nettement le profil, rebutant directement ceux qui n’aiment pas. Derrière on retrouve des notes de frangipane vanillée, de fruits, d’écorces d’orange et un peu de colle. Mais rien qui ne parvienne à faire oublier ce sous-bois si typique de l’alambic en bois.

Bouche

Pas de miracle en bouche, le bois mouillé est toujours présent, accompagné de la vanille et de quelques fruits trop mûrs. Le gras sur le palais apporte une note d’amertume, de menthol et quelques notes de caramel mais tout cela est arrosé copieusement du côté sous-bois si caractéristique. Bref si vous n’aimez pas le bois humide, passez votre chemin, sinon vous sera comblés!


8 – Rasta Morris Trinidad 2001 –

Last but not least, Roger voulait évidemment revenir vers Trinidad et ses rhums. Caroni étant toujours impayable, nous mettons le cap sur « l’autre distillerie » de l’île, à savoir Trinidad Distillers Limited. Ce rhum distillé en 2001 est embouteillé par l’ami Bert de Rasta Morris et arbore un très joli « 21ans ». Il titre à 63,8% est a été commercialisé peu de temps avant la soirée pour un tarif approximatif de 170€.

Petit clin d’oeil à un article récent de Roger généré par Intelligence Artificielle sur un Caroni n’ayant jamais existé, il a été transvasé dans une bouteille imitant un embouteillage Velier, avec une étiquette uniquement créée pour la soirée, laissant à notre « maître de cérémonie » du soit un joli souvenir de son passage en terre du milieu (de la Belgique).

Nez

Sacrément charpenté, le profil est à la fois gourmand et musclé. Les parfums sont lourds, typiques des TDL chargés connus. Les notes boisées sont intégrées, empyreumatiques avec du sucre grillé/brûlé, et marquées par le café d’un côté, la cerise noire de l’autre, pour un profil assez complexe et évoluant. ça promet!

Bouche

Chose promise chose due, c’est une explosion d’arômes sur le palais. Le boisé sera la trame de fond, largement agrémenté d’un tas de notes toutes plus profondes les unes que les autres. Les notes empyreumatiques sont présentes mais sans être écrasantes, avec un léger toasté, du café et un sucre bien cuit, et elles accompagnent des fruits rouges (cerise), noirs (mûres) et exotiques (banane, orange). Les épices sont présentes aussi (vanille et girofle notamment) ainsi qu’un petit quelque chose qui nous glisse à l’oreille qu’une larme de Caroni pourrait bien s’être glissée dans le fût. Un vrai coup de cœur pour pas mal de monde!


Conclusion

Nous concluons donc cette belle première carte blanche sur un rhum ultra efficace, pas des plus faciles à aborder mais qui a tellement de choses à raconter qu’il aura marqué les participants. Pour le reste la présentation à l’aveugle a apporté son lot de surprises et aura été intéressante comme toujours pour gommer les à priori, qu’ils soient bons ou mauvais. Le Dillon tire évidemment son épingle du jeu, avec un tel rapport qualité/prix nul doute qu’il en a séduit plus d’un ce soir. Mention encore pour les deux blancs qui, chacun dans son domaine, ont marqué les esprits, avec un bémol pour le prix de la cuvée Caribaea, et un grand oui pour le Depaz!

Encore merci à Roger pour sa bonne humeur et sa décontraction, en espérant qu’il accepte encore après cet épisode de sortir de la principauté!

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