Dégustation du soir, Guadeloupe

Bielle: Marie-Galante à l’aveugle

Les dégustations à l’aveugle sont toujours instructives. Soit elles apportent une vision nouvelle sur un produit déjà connu, soit elles permettent de découvrir un nouveau produit sans à priori. Du coup lorsque l’on m’a proposé, il y a quelques temps, de m’envoyer 5 samples de Bielle à l’aveugle, j’ai décidé de jouer le jeu. Vous trouverez donc dans l’article ci-dessous des notes de dégustation réalisées à l’aveugle qui ont été réconciliées à postériori avec les bouteilles concernées.

1 – Bielle Odyssée 2009-2019 – 54,2%

Premier rhum à passer sous la loupe, ce rhum « odyssée ». La gamme Odyssée est une sorte de spin-off hors série de la distillerie, elle reprend les rhums « dynamiques » de la distillerie. Au programme, 10 ans en fût à Marie-Galante (2009-2019) et pour finir 1 mois en vieillissement dynamique  à bord de la goélette de la distillerie, le Marie-Galante. Le vieillissement dynamique, outre le fait d’être « à la mode », apporte au rhum un contact accru du rhum avec le fût puisque celui-ci est soumis au roulis permanent du voilier. Après ce passage en mer, le rhum a été embouteillé « brut de fût », à 54,2% et en un peu moins de 800 exemplaires.

Crédit photo: http://www.rhumattitude.com

Nez

Le profil est attendu pour un Bielle vieux. On est sur la marque « classique » de la distillerie à savoir des fruits secs, du boisé et de l’empyreumatique. Au début il est sur les raisins, les fruits secs, le caramel et quelques notes soufrées. Viennent ensuite la pêche et les notes de torréfaction avec le café, le tabac et le grillé. Le boisé tire vers le vieux bois, la boîte à cigare. L’alcool est discret, il est bien intégré.

Bouche

Le bois est bien plus présent en bouche qu’au nez. Il s’accompagne de notes empyreumatiques franches, de fruits à coque et d’un fruité cuit qui oscille quelque part entre les fruits à chair blanche et les agrumes. Le tout se charge d’une amertume légère mais présente. La fin de bouche est marquée par une touche d’acidité dérangeante à mon palais.


2 – Bielle Goélette 2011-2018 – 54,1%

Deuxième échantillon au programme, toujours dans la gamme Odyssée, il s’agit d’un autre rhum ayant subi un vieillissement dynamique même s’il a été différent. Ce rhum de 2011 a passé 7 ans en fût de chêne à la distillerie, avant de traverser l’atlantique à la voile pour être soutiré en 2018 et d’être lui aussi embouteillé en près de 800 exemplaires. Le titre final est presque identique à celui du précédent mais il est plus jeune. Voyons voir ce qu’il nous raconte.

Crédit photo: http://www.rhumattitude.com

Nez

Très différent du précédent, le fruité est ici bien plus présent. La pêche et l’abricot apportent de la fraîcheur, sans doute exacerbée par une jeunesse plus marquée et un alcool plus présent. La pâte d’amande et la noisette grillée lui apportent un relief très agréable, faisant du même coup ressortir ce fruité séduisant. Avec l’ouverture il a tendance à s’adoucir et à s’arrondir un peu, laissant apparaître des notes de chocolat aussi.

Bouche

La filiation avec le nez est présente mais le boisé prend ici bien plus de place, les tanins masquant une partie des fruits. Ce faisant la gourmandise qui était si marquée au nez disparaît au profit d’un boisé plus austère (en contraste avec le nez). Je ne retrouve pas non plus ce côté « frais » qui égayait le nez. Dommage que la bouche ne soit pas à la hauteur du nez…


3 – Bielle Hors d’âge 2012 – 54,6%

Troisième flacon, retour à la gamme « classique » de la distillerie. Ce brut de fût 2012 succède au 2010, qui succédait au délicieux 2007, qui lui même succédait au merveilleux 2003, etc. Bref, on est sur un classique de chez classique niveau fiche technique mais la réputation des prédécesseurs nous montre que c’est souvent avec les fiches techniques les plus simples que l’on fait les meilleures rhums. Ici donc un rhum qui a passé 6 ans en ex-fût de Bourbon et en fût de vin blanc moelleux. Il a été soutiré en 2018 et embouteillé tel quel, c’est à dire à 54,6%.

Crédit photo: Bielle

Nez

Dès le premier contact je retrouve tout ce que j’aime chez Bielle: du fruit autant que nécessaire. Ils sont tantôt frais, avec du raisin et des fruits rouges notamment, tantôt confits et accompagnés de fruits à coque. Le boisé est présent mais pas écrasant, juste ce qu’il faut pour apporter sa gourmandise. Il est accompagné d’épices qui complètent l’ensemble. Je retrouve aussi des notes de tabac par moment, ainsi qu’un petit côté grillé. C’est très agréable.

Bouche

Là encore les fruits sont bien présents et mêlés au boisé. Celui-ci est ici aussi enrichi de tabac blond, formant un ensemble agréable en bouche. Niveau fruits je retrouve les fruits rouges avec notamment une cerise confite qui sort de la mêlée. La longueur est belle et dans la lignée, bref un joli rhum!


4 – Rhums vieux de Marie-Galante 2003 – 52,8%

Retour dans les « hors-séries » avec ce rhum Bielle qui ne s’appelle pas Bielle… La distillerie a lancé cette marque il y a 2-3 ans pour des problèmes d’entente avec leur distributeur. Le problème a été contourné en sortant une gamme « les rhums vieux de Marie-Galante ». Bon en revanche pas de surprise, passé le tour de passe-passe du nom c’est bien du Bielle. Celui-ci a été distillé en 2003 et a été embouteillé, brut de fût, après 14 ans de vieillissement en ex-fût de Bourbon. Il titre à 52,8% et est sorti à près de 1500 bouteilles.

Crédit photo: Bielle

Nez

Le nez est « classieux ». Il oscille du boisé fin bien présent au tabac frais d’un cigare en passant par des fruits longuement confits. Ceux-ci son principalement à chair blanche avec du raisin et de la pêche. Un côté vineux/brandy vient compléter le profil alors que l’alcool se fait par moment un tout petit peu trop remarquer.

Bouche

Pas de surprise en bouche, la cohérence est de mise avec un boisé nettement présent et plutôt gourmand. Les fruits sont toujours confits et sucrés, le côté vineux détecté au nez prenant carrément, avec les fruits, une tournure de vieux Cognac. La pêche se retrouve ici aussi, accompagnée d’épices. La fin de bouche est marquée par le bois qui apporte une petite amertume.


5 – Bielle Odyssée Ambré dynamique – 55%

Nous terminons avec, pour la fin, le plus jeune des 5 rhums. Retour au vieillissement dynamique avec ici le plus jeune frère de la famille du premier rhum du jour, la gamme « Odyssée ». Celui-ci a donc été transporté à la voile également, en fûts de petite contenance, entre 20 et 55 litres. Il s’agit d’un rhum ambré puisqu’il n’a passé que 2 ans en fût avant de passer 1 mois supplémentaire sur le voilier.

Crédit photo: http://www.excellencerhum.com

Nez

Le nez est immédiatement typé « jeune ». Les effluves d’alcool se mêlent à un côté très végétal, pas de doute donc. C’est vif et très peu marqué par le bois. J’y retrouve du fruit nettement vert, de la pomme, des agrumes, du raisin blanc et de la nectarine. Quelques notes de foin font également leur apparition mais ce n’est qu’épisodique . L’ensemble est vraiment très herbacé, sans doute trop pour moi.

Bouche

Là encore pas de mystère, un nez aussi jeune ne pouvait donner qu’une bouche ressemblante. Le fruit est vert, légèrement acide, très peu de sucrosité. Une touche de vanille nous rappelle que nous ne sommes pas sur un rhum blanc. Je lui trouverais presque un air de grappa avec un côté eau-de-vie. Vraiment pas à mon goût, ça manque clairement de maturité et de complexité.

Conclusion

Voilà venue l’heure de dévoiler les cartes et d’analyser les retours en connaissance de cause. Premier enseignement, Difficile de dévoiler un coup de cœur même si le 3ème rhum se détache du lot de par sa cohérence nez/bouche là où d’autres sont certes séduisants au nez mais décevants en bouche. Au moment de dévoiler « qui est qui », bonne surprise du coup puisque mon préféré est aussi le moins cher de la série, et de loin.

Ce 2012 brut de fût, digne héritier donc de ses ancêtres, se trouve en effet sous les 100€ et s’avère être mon numéro 1 à l’aveugle (et donc forcément aussi en rapport qualité/prix). Derrière lui c’est plus compliqué… Le 2ème (Goélette 2011) et le 4ème (MG 2003) se concurrencent dans cet ordre, et le 1er (Odyssée 2009) n’est pas très loin derrière. Seulement voilà, ces 3 là m’ont déçu soit par leur manque de cohérence nez/bouche (1 et 2), soit par un manque de gourmandise (4). À l’analyse du prix, le bât blesse encore plus puisque les 1 et 4 tutoient (voire dépassent) la barre des 300€ et que le 2ème atteint les 200€… Difficile d’y trouver une cohérence et malheureusement ça ne me fera pas craquer pour une des références (j’aurais pu prendre un Goélette 2011 si le prix avait été plus contenu). Dernier sur tous les tableaux, l’ambré dynamique… En dégustation je l’ai trouvé décevant du début à la fin et le tarif de 90€ pour une bouteille de 50cl (!) termine d’achever cette référence.

Pour terminer je dois donc remercier celui qui m’a proposé ce « défi »: c’est toujours risqué de se prêter à ce jeu mais toujours aussi instructif. Et pour ceux qui ont la flemme de lire la conclusion dans son entièreté, mon quinté dans l’ordre est donc 3-2-4-1-5 😉

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