Saison 4: 2019-2020, Soirées Amis des Amis du Rhum

S4 E4: Soirée La Favorite

2020 nouvelle année, nouvelle soirée! C’est reparti pour une soirée découverte de plus, cette fois-ci axée autour d’une distillerie martiniquaise familiale: La Favorite.

Cette distillerie, implantée au Lamentin, à deux pas de Fort-de-France, a été fondée en 1842 et fonctionne toujours avec un antique moteur vapeur de 1906 pour produire quelques 600.000 litres de rhum par an. Elle est gérée par la famille Dormoy de la plantation à la mise en bouteille, en passant par la distillation en colonne ou la gestion du vieillissement. L’ancienne génération mettait en avant ses productions qui suivaient les anciennes méthodes, la cuvée de la Flibuste en tête.
Depuis quelques années Franck Dormoy a réorienté la production vers des réalisations plus en phase avec le cahier des charges de l’AOC et a diversifié les cuvées et les embouteillages spécifiques pour aujourd’hui pouvoir présenter une gamme large de produits, de l’entrée de gamme au produit plus spécialisé. Voilà qui va nous changer de la dernière soirée, dédiée aux High Esters!

Au cours de cette soirée nous allons parcourir la gamme actuelle pour essayer de cerner les fils conducteurs de la production de la distillerie et surtout mieux comprendre leur philosophie de travail et ce que leurs différentes productions apportent.
Nous passerons des blancs aux vieux, des cuvées spéciales à la gamme classique millésimée, les embouteillages indépendants aux nouveautés de la distillerie. Mais arrêtons là l’introduction et direction les dégustations 😉

Fifty shades of La Favorite

1 – La Digue 2018 vs Rivière Bel’Air 2018

Nous commençons par les deux blancs « premium » de la distillerie, ceux qui sont dédiés à la dégustation pure de par leur élaboration et leur sélection. Ceux-ci sont présentés en même temps pour réaliser le face à face instructif. À noter que niveau prix les deux sont similaires avec une bonne quarantaine d’euros en métropole.

À notre droite, la Rivière Bel’Air est le premier rhum monovariétal que la distillerie a lancé en 2016 (Canne Rouge – B64.277). Notre bouteille du jour est issue de la dernière récolte commercialisée, la 2018, qui comme les autres versions est élaborée à partir des cannes de la parcelle « Rivière Bel’Air », large de 4 ha sur les terres de la distillerie. Elle titre à 53%.

À notre gauche La Digue, la nouvelle venue de la gamme puisque c’est ici le premier batch de la cuvée. Elle aussi monovariétale, élaborée à partir de Canne Roseau (B.59.92) issues de la parcelle « La Digue », large de 5 ha et située en bordure de rivière. La version 2018 que nous dégustons titre à 52%.

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Nez

Premier contact et directement on sent les différences. La Bel’Air est typée sur le côté végétal et sur les agrumes. Une certaine douceur se dégage des notes de citron, d’orange et de fruits rouges qui accompagnent la canne fraîche. Des notes ponctuelles de thym, de romarin et de poivre en font un profil original.

La Digue en revanche est à la fois plus fraîche et légèrement plus douce. Elle est nettement citronnée, ce qui avec une certaine rondeur lui confère un côté « ti’punch prêt à l’emploi ». Les notes sont anisées, avec un pan plus végétal que la Bel’Air, une touche d’iode et de poivre également.

Bouche

Le ressenti sur le palais est cohérent avec les ressentis olfactifs. La Bel’Air est douce, herbacée, marquée par les agrumes (toujours orange et citron). Les épices, poivre toujours en tête, et une touche iodée complètent le tableau. La Digue elle est plus délicate sur le palais, plus légère. Un peu de poivre et d’épices, un peu de fruit aussi mais la longueur en bouche est plus courte que celle de la Bel’Air.


2 – Frères de la côte 2019 – 50,3%

Place ensuite à un ovni. Pourquoi un ovni me direz-vous? Et bien parce qu’il est inclassable dans la gamme au vu de son vieillissement particulier. Nous sommes face à un rhum blanc de la récolte 2018, qui a été brassé en cuve avant d’être mis en fûts (5) et d’être chargé sur le Tres Hombres (voilier transatlantique) pour un voyage de 6 mois en direction de la métropole. Il a été embouteillé sur place en 2019 avec la mention « vieillissement dynamique », c’est à dire que non seulement le rhum est vieilli en fût mais en plus il subit le roulis du voyage en voilier, augmentant sensiblement le contact avec le bois du fût. En résulte un rhum qui n’est plus blanc, mais qui n’est pas assez vieux pour être classé en « élevé-sous-bois »… un ovni donc 😉 Enfin niveau tarif la bouteille était vendue dans les 58€ si mes souvenirs sont bons, mais c’est épuisé évidemment.

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Nez

Le profil olfactif tend plutôt vers un rhum blanc. De la canne fraîche, des épices et un net côté végétal se taillent la part du lion. Des notes de citron, de fruits rouges, de pomme et de raisin parviennent à se monter, accompagnées de notes vineuses et de touches de cumin, de café en grain et de levure. Le boisé est léger, en arrière-plan avec ses notes typiques vanillées. Le profil rappelle le « Coeur de Canne » 55% de la distillerie à Thomas. L’ensemble n’est pas hyper expressif et peut même paraître légèrement plat.

Bouche

Comme la fiche technique le profil de dégustation est partagé. D’un côté c’est très proche d’un blanc, avec un côté minéral et végétal, de l’alcool via un air d’eau-de-vie. Des notes de fruits exotiques (mangue et papaye) et du poivre viennent égayer légèrement l’ensemble. De l’autre côté la légère influence du bois a laissé une amertume, un côté pain grillé beurré. Des notes de vanille viennent enrichir le boisé général, apportant un peu de rondeur.


3 – 2012 sélection VandB – 45%

Retour à un embouteillage plus classique, quoi que. Il s’agit cette fois d’un embouteillage réalisé spécifiquement pour la chaîne de cavistes VandB et sorti en 2018. Le rhum est issu du millésime 2012 et a vieilli tout juste 6 ans en fût. Deux versions de cet embouteillage existent, une brut de fût à 55% et celle que nous avons dégusté, à 46%. Pour vous procurer une de ces bouteilles il fallait débourser tout de même 95€, un prix qui fait que la cuvée se trouve encore dans certains VandB.

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Nez

Le nez est surprenant. Une note, relevée différemment par chacun d’entre nous mais présente immédiatement, peut se résumer par un côté boisé fumé/grillé, presque tirant vers les herbes aromatiques brûlées. À côté de ça le profil est plus classique avec du végétal (pour la fraîcheur) et du fruité (pommes, citron, ananas). Le nez est également bien marqué par le chocolat au lait et le cacao en général, de la vanille et une pointe de camphre. Bref, c’est étonnant!

Bouche

Là aussi la première impression est nettement boisée. Il est plus présent, apportant une légère amertume et un côté plus « corsé ». Les notes de fumé, de chocolat et de poivre sont toujours là. Après une bonne ouverture les fruits font leur apparition en fin de bouche, avec de l’ananas et des agrumes notamment. Une note saline enrichit aussi l’ensemble même si la finale est assez courte. Michaël n’a clairement pas aimé, bloqué sur le bois, là où Cédric a apprécié la jeunesse du rhum, le rendant agréable à boire.


4 – Chantal Comte Arbre du voyageur 2001 – 45,5%

Direction maintenant La licorne de la soirée. Cet embouteillage, réalisé par la réputée Chantal Comte, est entouré d’un certain brouillard. Difficile de savoir avec exactitude l’âge du rhum contenu dans la bouteille, compliqué également de retrouver sa date et son prix de sortie, bref voilà un rhum mystérieux. Toujours est-il qu’en cherchant, on arrive à une information d’un rhum de 7 à 8 ans d’âge, que l’année 2001 est indiquée sur l’étiquette et que la mention « extra vieux » accompagnée de l’AOC nous confirme que le rhum a au moins 6 ans révolus. Rayon tarif je n’ai pas l’info du prix de sortie (n’hésitez pas à commenter si vous l’avez) mais son prix actuel sur le second marché est entre 120 et 140€, si vous avez la chance de tomber sur un exemplaire.

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Nez

Directement les jalons sont posés: on est dans la classe au-dessus. Aucun doute là-dessus, le nez est beaucoup plus aromatique que les précédents, il raconte énormément de choses mais tout en finesse. Tous les arômes se montrent par petites touches, sans écraser les autres. La marque des beaux spiritueux, à n’en point douter.

Si on plonge dans la description on a un boisé fin, plutôt sec et élégant, baigné dans les fruits. La pomme est présente sans hésitation, relevée par les 4 rédacteurs. Des agrumes, de la poire (en eau-de-vie) et un côté confit sont présents également pour donner de l’épaisseur au fruité. Des notes de pâtisserie épicée se remarquent aussi, avec d’un côté de la brioche beurrée, du chocolat et de l’autre de la cannelle, du poivre et même des notes de rose. C’est complexe et élégant à la fois, un délice avant même d’y goûter.

Bouche

Forcément, avec un nez aussi merveilleusement intégré, impossible d’avoir une bouche déséquilibrée. C’est très doux en bouche et fin. Globalement le profil est le même, du bois (un peu plus présent), des épices, une rondeur fruitée et un petit côté pâtissier. La vanille vient s’ajouter au profil, le miel aussi (rappelant à Michaël le Sauternes). Les fruits sont toujours légèrement confits, la pomme est aussi présente mais plus en retrait. Voilà sans aucun doute une pépite d’élégance et de douceur!


5 – Millésime 2009 – 48%

Depuis l’année 2017 la distillerie a ajouté à sa gamme un embouteillage millésimé de 8 ans. La première série était donc le millésime 2008 qui est sorti en single casks (au moins une dizaine de fûts différents). Dans la foulée est sorti le millésime 2009 que nous avons dégusté aujourd’hui, suivi ensuite par un 2010 (logique) et alors qu’un 2011 est en préparation pour sortir dans quelques semaines du côté du Lamentin. Donc nous disions, 8 ans en fût, embouteillé brut de fût et à 5000 exemplaires. Exit donc les embouteillages « single casks », place à un blend des différentes barriques (plus facile pour l’aoc).

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Nez

Quelques minutes d’aération suffisent à nous faire sentir que le 2009 sera aussi un plaisir à déguster. Il embaume au-dessus des verres d’un boisé-fruité très agréable. Les fruits vont du raisin sec à la pomme cuite en passant par l’abricot séché, la mangue fraîche et les fruits secs. Une petite acidité rend l’ensemble acidulé, avec des notes pâtissières et de cacao pour adoucir le tout et surtout lier l’ensemble.

Bouche

Sur le palais il y a une belle cohérence avec le nez, le boisé est bien fruité, le raisin en tête, accompagné des agrumes, de la prune et de la mangue. Les épices avec toujours ce poivre-fil rouge et les notes pâtissières viennent compléter le boisé vanillé. Dans la longueur apparaissent des notes de cacao, d’eucalyptus et de menthol en plus des notes fruitées épicées déjà citées.


6 – Réserve du château 2002 – 43%

Si vous collectionnez les embouteillages de la distillerie il y a un duo qui va dénoter dans votre bel alignement. Il s’agit des deux « La Réserve du Château », version 2000 et version 2002. Seuls embouteillages « Premium » à ne pas être réalisés dans la bouteille de la distillerie, nous voici, avec cette version 2002, face à un assemblage de rhums ayant vieilli 12 ans (60% fûts de Bourbon et 40% fûts de Cognac). Il en est sorti 10.000 exemplaires (tout de même) et est encore trouvable chez certains cavistes, notamment en Belgique. Rayon tarif il tourne aux alentours de 120-130€, ce qui pour un rhum de 12 ans me semble correct.

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Nez

Après la richesse aromatique du 2009 celui-ci peut apparaître plus austère. La faute à un boisé plutôt présent et assez poivré. Heureusement il a plus à raconter car le boisé s’arrondit à coup de fruits secs, d’abricots au miel et de réglisse. Il est aussi un peu plus vineux que les autres. Simplement il est moins « facile » que le précédent et nécessite une belle ouverture, là où le 2009 est immédiatement efficace.

Bouche

En bouche en revanche c’est globalement une déception. Certes la première gorgée semble prometteuse, avec un boisé net mais très vite celui-ci écrase le reste en devenant sec et poivré. Les fruits (écorce d’orange, pomme) sont estompés, tout comme la réglisse, le côté minéral et les notes mentholées et d’eucalyptus. Dans la longueur ne subsistent que ce boisé omniprésent, bref un rhum qui n’en aura convaincu aucun de nous 4.


7 – Privilège pour Lulu – 45%

Enfin nous terminons par LA nouveauté de cette fin d’année au niveau de la distillerie: la cuvée Privilège pour Lulu. Mais qui est Lulu me direz-vous? Tout simplement Lucienne la maman de Franck Dormoy, actuellement aux commandes de la distillerie. Cette cuvée Privilège nous offre un assemblage de 5 millésimes, ayant passé entre 10 et 20 ans en fût. Les années représentées dans l’assemblage sont les années 1998, 2000, 2001, 2002 et 2008. La cuvée a été embouteillée à 4500 exemplaires et est commercialisée autour de 145€ en métropole. Vous la trouverez encore facilement puisqu’elle n’est sortie qu’en cette fin d’année 2019.

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Nez

Après le boisé écrasant de la cuvée précédente, nous voilà de retour dans la marque de fabrique de La Favorite: un boisé doux, à la fois vineux et riche. Le tabac se joint au pruneau, aux raisins secs et à la mangue confite pour donner un côté onctueux. Les fruits à coque et la vanille sont cachés dans le boisé, accompagnés d’épices (poivre, curry).

Bouche

L’onctuosité du nez laissait supposer une bouche très ronde mais étonnamment c’est plutôt sec. Le boisé apporte une petite amertume qui oscille entre le fruité et les épices. Nous nous retrouvons face à un mélange de fruits secs (amandes), de raisins, de fruits compotés et de saveurs végétales corsées avec du poivre, du menthol, de la vanille, le tout accompagné d’une note fumée. Des notes pâtissières sont présentes également pour donner ce côté vineux si typique du travail de la distillerie.


Conclusion

Voilà donc que se conclut une autre belle soirée des Amis des Amis du Rhum. Un vote à main levée aura déterminé une égalité entre les deux blancs premium en terme de préférence. Un autre vote, pour déterminer la référence préférée du jour, a mis le 2009 et l’Arbre du Voyageur à égalité sur la première marche du podium (une douzaine de voix chacuns), laissant la troisième place à la Privilège pour Lulu (6 voix).

Globalement les participants étaient ravis de leur soirée et si les blancs ont convaincu, nous sommes restés partagés par la cuvée Tres Hombres 2019 dont nous attendions sans doute trop. Inutile de revenir sur les coups de coeur Chantal Comte et 2009 qui ont plus que convaincu l’assemblée par leur profil complet et équilibré!

Prochain rendez-vous des Amis des Amis du Rhum ce sera le 21 février pour une soirée dédiée aux rhums de Sainte Lucie mais avant ça nous nous retrouverons pour une soirée spéciale dédiée à la découverte de l’Armagnac en général et des productions de l’Encantada en particulier! Voilà une belle soirée qui s’annonce 🙂

 

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