Dégustation du soir, Saison 6: 2022, Soirées Amis des Amis du Rhum

S6 E3: Soirée « nouveaux venus »

Une fois n’est pas coutume, cette soirée-ci ne sera pas dédiée à une destination en particulier ou à une distillerie bien précise, elle sera dédiée à un certain nombre de « nouveaux venus » dans le monde du rhum. Que la distillerie soit récente ou moins, qu’elle se soit récemment lancée dans une nouvelle branche ou simplement qu’un production historique nous parvienne pour la première fois, plongeons ensemble dans cette série de découvertes!

1 – Renegade Dunfermline Colonne vs Pot Still – 50%

Première étape, direction l’île de Grenade pour une distillerie fraîchement construite mais aux dents déjà très longues: Renegade. Je vous résume la philosophie car leur site est hyper-complet, aussi bien sur le point technique qu’informatif. Si vous lisez l’anglais je ne peux que vous conseille d’y foncer. En ce qui concerne la dégustation du jour, l’occasion était belle de mettre en face à face deux bouteilles en tout point identique mis à part l’alambic. Les deux abritent un rhum, distillé à base de pur jus extrait de la même canne (Lacalome Red – B80.689), récoltée sur la même parcelle du nord-est de l’île en 2020. Simplement un des rhums est passé en double colonne Coffey alors que l’autre est passé en Pot Still à double retort. Question tarif, le packaging plus que réussi a un coût, la bouteille est donc facturée 55€ environ. Voyons donc voir les différences engendrées par la méthode de distillation.

Nez

Les deux profils sont bien différents et ont chacun les particularités de leur style. La version « colonne » est vive, nettement citronnée et bien verte. Des notes de pamplemousse l’enrichissent pour un profil très frais. La version « pot » en revanche est bien plus chargée, avec un profil typiquement « pot still », marqué par des notes métalliques et minérales.

Bouche

La différence se marque aussi en bouche, avec une version « colonne » toujours citronnée mais nettement marquée par des notes de fermentation. J’y retrouve du foin et un côté fermenté qui me rappelle une bière. Le profil reste cependant bien végétal et vert. La version « pot » elle reste typique, avec un profil chaud, rond, légèrement métallique. Les notes minérales et de foin sont présentes également.

Voilà donc une comparaison qui aura été très instructive, certains participants ayant même tenté le blend des deux pour un résultat plus que convaincant apparemment !


2 – Papa Rouyo « Le rejeton » – 56%

Deuxième étape, direction la Guadeloupe et la distillerie Papa Rouyo. Elle aussi est récente puisqu’elle a été créée en 2020. Ici la canne est coupée longue, elle pousse à l’Est de Grande-Terre, sur un sol argilo-calcaire sec, soumis aux vents maritimes. Assemblage de Canne jaune (B5992), de Canne Rouge (R579) et de Canne Matos (B80.0689), la vinasse est obtenue après 36 à 40 heures de fermentation et est distillée en alambic à repasse. Cette cuvée du Rejeton a été émise en deux batchs. Le premier, à très faible tirage, était issu des cannes récoltées en surmaturité (18 mois) et est très peu sorti de l’île. Le deuxième batch est issu de cannes à maturité normale (12 mois) assemblées avec 10% du premier batch. Ici aussi la bouteille de ce second batch était trouvable dans les 50-55€.

Nez

Le nez est typique, un mélange agréable de canne fraîche et de citron vert, qui nous fournissent un profil agréable, entre la fraicheur et l’acidulé. De quoi donne envie d’y goûter.

Bouche

Petite déception en bouche, cette fraîcheur citronnée du nez est en retrait, supplantée par les notes plus végétales et une petite amertume. Les fruits sont toujours là mais plus sur le zeste. Je retrouve également des notes de menthol. Bref un joli rhum agricole mais le nez m’en avait promis plus.


3 – Habitation Beau Séjour Sélection variétale – 55%

On passe sur l’île sœur, j’ai nommé la Martinique, pour le rhum suivant. Nous débarquons dans une ancienne distillerie, datant du 19ème siècle et désaffectée depuis longtemps, remise en service en 2019. Celle-ci se situe à la pointe nord de l’île, sur le terroir volcanique, et travaille plusieurs types de canne. Au programme, 70% de canne bleue (B69.566) et 30% d’un mélange de canne rouge et noire. La récolte se fait à la main, la fermentation est classique et la distillation se fait soit en colonne créole, soit en alambic à repasse. Dans la gamme de HBS on retrouve déjà pas mal de références de rhum blanc, de la cuvée hommage au rhum variétal. Du coup aujourd’hui on se penche sur cette sélection variétale, 100% canne bleue, éditée à 2000 exemplaires tout de même. Pas d’AOC pour cette cuvée (dû au type d’alambic utilisé), mais un prix public qui se veut haut de gamme (voire très haut de gamme) puisqu’elle est facturée 70€… ça va faire cher le ti’punch mais voyons ce que ça raconte!

Nez

Après le Papa Rouyo celui-ci nous paraît très végétal. La canne fraîche se mêle à l’herbe coupée pour un profil très vert. Des notes de foin viennent accentuer encore la sensation et enfoncer le clou.

Bouche

Je pensais avoir atteint le maximum du côté végétal au nez mais celui-ci est encore plus marqué en bouche. Il est très présent et totalement dénué de notes citronnées. J’y retrouve même des notes d’écorce d’arbre mais là c’est peut-être mon cerveau qui me joue des tours 😉


4 – Baie des trésors « Fleurs du vent » – 49,8%

vs Baie des trésors « Fruits des pluies » – 50%

On reste en Martinique mais direction la presqu’île de la Caravelle pour un nouveau venu très remarqué sur l’île. Derrière cette « Baie des trésors » on retrouve les plantations du Galion, habituée du Grand Arôme et de la mélasse, qui là s’essaie au rhum agricole. La fermentation, distillation et vieillissement se passant sur le domaine de Saint James. Au programme, deux « élevés-sous-bois », puisque les deux cuvées ont séjourné minimum 13 mois en fût (et ici en fût neuf et en fût ex-bourbon). Avant cela les deux ont leur origine respective: le « Fleurs du vent » est distillé à partir de cannes récoltées dans une parcelle sèche et venteuse en bord de mer, le « Fruits des pluies » lui à partir de cannes récoltées dans une parcelle plus à l’intérieur des terres, plus humide et abritée. Les deux bouteilles sont commercialisées à 45€, un tarif qui sent le bon rapport qualité/prix… alors, verdict?

Nez

Voici de nouveau deux profils assez différents puisque d’un côté nous avons, avec les Fleurs du vent, de la canne mais surtout une belle fraîcheur citronnée, avec de jolies notes végétales. En face, côté Fruits des pluies, la canne est presque sucrée, marquée par des notes de vanille et de fraise.

Bouche

Sur le palais les deux rhums ont plus tendance à converger. Les Fleurs du vent montrent un profil qui gagne un peu en sucrosité, avec d’un côté un boisé végétal légèrement amer et de l’autre le citron du nez qui se métamorphose en orange. Les Fruits des pluies eux gardent ce côté sucré avec des notes de fraise et de vanille mais ils gagnent aussi en notes végétales boisées, marquées par une pointe orangée.


5 – Habitation Velier Takamaka 2018 – 60,8%

Direction ensuite une destination peu commune puisque c’est aux Seychelles que nous faisons halte, plus précisément dans la distillerie de Takamaka. Il ne sera en revanche pas question de leurs embouteillages propres mais bien du rhum commercialisé dans la gamme Habitation Velier. Et comme toute bouteille de la gamme il y a une belle histoire derrière 😉 Cette distillerie n’est pas vraiment une « nouvelle venue » puisqu’on y distille du rhum depuis l’an 2000. Celui qui nous intéresse aujourd’hui est issu de pur jus de canne, cultivés sur l’île de Mahé, distillé en alambic mixte constitué de Pot Still derrière lesquels sont montées des colonnes de rectification. Il a vieilli 3 ans sur place et présente un taux de congénères intéressant de 564 g/hlpa. Comme toujours avec cette gamme il n’est ni filtré ni réduit, et était commercialisé aux alentours de 80€.

Nez

Voilà une surprise pour celui qui comme moi n’attend pas grand chose de ce rhum: le nez est très marqué et follement original. La pâte d’amande est très présente, accompagnée de notes végétales, voire même florales, ainsi que d’oranges fraîches, comme à peine cueillies sur l’arbre. Surprenant et intéressant!

Bouche

La pâte d’amande se mue en solvants en bouche, allant de la colle à la cellulose mais avec des arômes que l’on n’a pas l’habitude de croiser. Les notes de vanille viennent heureusement nous rappeler que nous sommes face à un rhum mais l’alcool est un peu trop présent malheureusement.


6 – Habitation Velier Privateer 2017 – 55,6%

Continuons dans les destinations inhabituelles, direction les USA et plus précisément la distillerie Privateer. Nous en avions déjà parlé un peu plus tôt mais il est temps de nous pencher sur l’autre embouteillage sorti par Velier, la version Habitation Velier, distillée en 2017 et vieillie 3 ans sur place. Embouteillé une nouvelle fois sans réduction ni ajout, le rhum titre à 55,6% et était tout de même commercialisé une centaine d’euros!

Nez

Le profil est tel qu’attendu, avec un combo classique mêlant la vanille, le chocolat et une gourmandise presque sucrée. Des notes de fruits secs se mêlent à la danse mais ne révolutionnent pas l’ensemble. Le résultat est agréable.

Bouche

Pas de surprise là non plus, la continuité est de mise avec le profil du nez avec ce côté chocolat et cette gourmandise sucrée. En fin de bouche quelques notes fruitées acidulées apparaissent mais ça reste assez léger.


7 – Velier Beenleigh 2015 – 59%

Dernière bouteille Velier de la soirée, direction l’Australie pour l’une des deux sorties locales de l’embouteilleur italien. En même temps que le rhum de 2015 qui nous occupe aujourd’hui est sorti un rhum de 2006, mais comme d’habitude ils se sont arrachés pour être mieux revendus derrière, seul le 2015 étant désormais trouvable à prix raisonnable.

Nez

Ici le profil est plus lourd et plus complexe. La note principale est un boisé ciré plutôt élégant. Il se teinte de notes de caramel et de cuir. Côté fruits, j’y retrouve de la pomme et une pointe d’agrumes pour un ensemble assez « tarte Tatin ».

Bouche

Je retrouve une certaine continuité dans le profil du nez, même s’il y a une évolution certaine. Le boisé est toujours présent, accompagnée d’une pomme qui devient vraiment grillée. Une légère amertume se joint aux fruits secs torréfiés pour un profil qui perd en gourmandise et évolue plus vers le Calvados que vers la tarte Tatin.


8 – Ferroni Grand arôme FR 2016 – 63%

Last but not least, retournons en Martinique pour l’ovni local, à savoir un Grand Arôme tout droit sorti du Galion. Distillé en 2016 (à base de mélasse bien entendu), il a vieilli intégralement à des milliers de kilomètres de là, dans le chai sec de la maison Ferroni à Aubagne. Après 5 ans en fût de Cognac il a été embouteillé brut de fût à 63% pour être commercialisé à peine au-dessus des 80€ les 50cl.

Nez

L’explosion de parfums est immédiate, avec une belle exubérance, qui va du raisin confit à l’olive en passant par la pâte d’amandes et le sucre filé (genre barbe à papa). Le boisé est présent avec une jolie fraîcheur végétale, adoucissant un peu l’ensemble pour garder une belle complexité et une gourmandise sans que ça ne soit trop. Avec l’ouverture, des notes de tabac viennent compléter le profil.

Bouche

Sur le palais le boisé prend la main et passe au premier plan, emportant avec lui le tabac qui se fait beaucoup plus marqué que ce qu’il n’était au nez. Le raisin est toujours confit mais le boisé fait qu’il apporte moins de gourmandise qu’au nez.


Conclusion

Voilà une soirée qui nous aura fait voyager et découvrir pas mal de choses. Comme toujours les comparaisons ont été intéressantes et instructives, que ce soit celle des deux Renegade ou celles des deux Baie des trésors. La conclusion est évidemment délicate vu le panel de rhums goûté, les différences entre eux et le ressenti de chaque participant. Personnellement je retiendrai les deux « jeunes » Baie des trésors qui nous montrent qu’on peut innover à coût correct, même en Martinique. Je retiens également le Takamaka qui me dit que je devrais un peu plus fouiller du côté de leurs productions, tout n’a pas l’air inintéressant 😉

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