Dégustation du soir, Jamaïque

Velier/Scheer Monymusk MMW 11 ans: le mal-aimé?

C’est l’histoire d’un rhum, ou plutôt d’une série, qui a checké à peu près toutes les cases de la checklit commerciale « à ne pas faire ». Sur le papier on avait un concept qui a enthousiasmé pas mal de monde: mettre en bouteille le même rhum ayant vieilli d’un côté sous les tropiques, de l’autre en Europe. Qui plus est, réaliser ce double embouteillage pour 2 rhums de la même distillerie avec un rhum plus « lourd » en esters et un plus « léger ». Forcément, pour les rhum-geeks que nous sommes, voilà de quoi aiguiser notre curiosité.

Et puis c’est là que ça a commencé à déraper… D’abord avec les détails des rhums: en fait ce n’est pas le même rhum qui a vieilli de chaque côté mais deux assemblages différents, sélectionnés à postériori parce que présentant des similitudes à la base, c’est à dire des assemblages issus de la distillerie Monymusk/Clarendon, composés de parts semblables de jus « Wedderburn (MMW) » de 2007 (10 fûts) et 2008 (2 fûts) et ayant vieilli 11 ans (et deux assemblages « Plummer (EMB) de 14 ans). Dommage donc de ne pas partir de la même base mais de rhums « semblables ».

Ensuite vint le commercial: sortir 4 rhums à titre de comparaison « scientifique » c’est bien, mais les sortir en bouteilles de 70cl, voir en coffrets duos de 2x70cl, c’est un peu beaucoup… Là où le format idéal aurait été de faire un coffret de 4x20cl et bien non, pour compléter l’exercice il fallait s’offrir les 4 bouteilles complètes. Au prix d’une centaine d’euros la bouteille, ça fait cher la curiosité.

Crédit photo: Velier

Enfin dernier acte: la dégustation et la vente. Premier contact avec les amateurs, les salons. Ces embouteillages sont présentés au Whisky Live 2019 et là le soufflé commence à sérieusement retomber. Les personnes qui les dégustent ressortent tous avec le même avis: « bof… des bouteilles pour comparer le vieillissement, ok, mais que ça soit au moins bon« . Vient ensuite la vente desdites bouteilles et là, quand un embouteillage a besoin d’être survendu par le discours commercial mais qu’en fait il ne se vend pas chez les cavistes, reste sur les étagères et fini par être mis en promo, c’est très rarement bon signe. Voilà donc où nous en sommes aujourd’hui. Dans la sphère des « rhum-geeks », ces bouteilles sont cataloguées comme « à éviter ».

Voilà, fin de l’histoire, merci de m’avoir lu et à la prochaine! Non bien évidemment car ayant moi-même fait partie de ceux qui y ont goûté sur salon et trouvé ça « bof », je n’avais pas creusé plus que ça. Mais j’ai finalement reçu un sample d’une de ces bouteilles, celle qui sur papier a le plus de chances de m’intéresser: la version tropicale du plus lourd des deux assemblages. On va donc se pencher, dans de bonnes conditions de dégustation (autre chose qu’en salon quoi), sur cet assemblage de Monymusk de 11 ans. Il est marqué de l’acronyme « MMW » qui correspond à un taux d’ester compris entre 200 et 300 g/hlpa, et le taux indiqué sur l’étiquette est même un peu supérieur puisqu’il est donné à 315,6g d’esters part hectolitre d’alcool pur. Embouteillé à 69,1%, il est toujours disponible pour un prix de 115-120€ (hors promos). Voyons donc voir ce qu’il a à nous raconter…

Crédit photo: Rhum Attitude

Nez

Je qualifierais le profil de « fruité/sucré ». Il est nettement marqué par le fruit ce qui n’est pas pour me déplaire, avec une certaine fraîcheur légèrement acide. J’y retrouve, mélangés, de la mangue, de l’ananas, du fruit de la passion, du citron et de l’orange. Le tout est enrobé d’un sucre cuit mais pas encore caramélisé, ainsi que d’une belle vanille. Une pointe de tabac blond, de fève Tonka et un petit côté beurré viennent relever l’ensemble qui est assez peu marqué par le boisé et les solvants jamaïcains habituels. Avec une meilleur intégration de l’alcool l’ensemble aurait été très agréable.

Bouche

Là encore le titre alcoolique se fait sentir, de manière plus marquante qu’au nez d’ailleurs. La première bouche est vive et une fois passé le premier feu apparaissent les fruits, mêlés au boisé cette fois. Le profil est globalement fruité (avec de la pêche notamment, ainsi que les agrumes retrouvés précédemment) mais bien plus végétal qu’au nez. J’y retrouve une touche d’eucalyptus qui apporte ce côté « vert » à la dégustation et rend le profil moins « rond » que ce que le nez laissait penser. De nouveau une meilleure intégration de l’alcool rendrait ce rhum vraiment sympa.

Conclusion

C’est la conclusion de cette dégustation qui m’a amené à vous écrire cet article tant j’ai été surpris. Non pas qu’il s’agisse du meilleur rhum de tous les temps ni même de l’année, mais bien parce que ce rhum est finalement pas si mauvais que ça. Alors certes l’intégration fait défaut mais on sait que ce point évolue en général favorablement après ouverture de la bouteille. Pour le reste, c’est un rhum somme toute agréable, bien fruité et juste ce qu’il faut de jamaïcain pour ne pas effrayer les palais moins habitués avec ce profil. Pour le prix ça ne m’étonnerait pas que je finisse par en prendre une 😉

Retrouvez ce rhum via l’application Rum Tasting Notes par ici: https://rumtastingnotes.page.link/v5Tqf458JC3HBXvXA

4 réflexions au sujet de “Velier/Scheer Monymusk MMW 11 ans: le mal-aimé?”

  1. Bonsoir,
    je suis aussi très étonné, un peu ds le même registre, de constater que le « Vale Royal » (env 3000 bouteilles), pourtant un embouteillage « Vélier », n’est tjrs pas épuisé et se trouve facilement à un tarif « normal » (env 140€) (alors que les avis sont bons qui + est) alors que le Foursquare Sassafras (Vélier également, 180€), tiré à 6000 bouteilles, à peine sorti, est déjà « sold out » partout !?
    Une explication à peu près rationnelle ?
    Merci pr le blog bien intéressant 😉
    @+
    Cyril

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    1. J’ai envie de dire tant mieux que certaines bouteilles intéressantes restent encore dispo mais oui je sais, les voix de la spéculation sont parfois impénétrables 😅
      Merci, content que le blog remplisse son rôle 😉

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    1. Disons que pour le Vale Royal (comme pour les autres de la série NRJ) c’est sans doute parcequ’ils ne sont pas 100% Velier, notamment avec une bouteille différente. Et le tirage à fait le reste à priori 😉
      Puis la spéculation c’est toujours lié à la demande, si un rhum est moins demandé, il est moins spéculé…

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