On continue la découverte et après les 3 Long Pond nordiques on passe aux autres distilleries mises à l’honneur dans cette sélection. Au programme, un rhum du Guyana pour le marché belge, un rhum de Sainte-Lucie pour le marché anglais et enfin un retour en Jamaïque pour un Clarendon destiné au marché français. Nul doute que ce voyage nous fera traverser des profils moins courants mais pourtant potentiellement intéressants. Voyons si la dégustation est à la hauteur des attentes.
4 – Belgique Guyana 1993 – 51,9%
Premier arrêt aujourd’hui, on joue à domicile avec la sélection réalisée par le distributeur belge, The Nectar. Au menu, un rhum du Guyana, sorti de l’alambic « Port Mourant » en 1993 et ayant passé, accrochez-vous bien: 8 ans en fût de Bourbon (classique) sur place, suivis par (après rapatriement en Europe) 15,5 ans en fût de whisky tourbé (?!) + 3,5 ans en fût ex-Cognac Ferrand. Autant vous dire que sur papier l’amateur de rhum qui comme moi n’aime pas le whisky grince déjà fortement des dents avant même d’y avoir goûté. Pas sûr qu’il reste grand chose du profil initial du rhum là-dedans mais on va goûter pour le savoir. Ah oui j’oubliais, l’embouteillage s’est fait à 488 exemplaires, titrant à 51,9% et vendu à un tarif de 210€.

Nez
Comme prévu le nez n’a pas grand chose à voir avec du rhum. Les premières effluves sont à 1000 lieues des fruits tropicaux, on se sentirais plutôt en pleine tourbière écossaise. Un mélange entre bois humide en décomposition, foin et autres notes fermières et une bonne terre bien humide et lourde. Bref rien de bien folichon pour l’amateur de fruité que je suis… Tout au plus quelques effluves de vanille se frayent-elles un chemin alors que le verre s’ouvre mais on n’est vraiment pas sur quelque chose d’agréable pour moi.

Bouche
Et là c’est le drame… le nez qui n’était pas engageant était en fait presque séduisant vis à vis du profil sur le palais. On est carrément passé au caoutchouc/vieux pneu brûlé, mélangé à ce boisé toujours humide et agrémenté d’un pincée de vanille. Celle-ci semble être là pour maintenir l’illusion mais le côté terreux du nez ressort également. Au final j’ai même des difficultés à terminer mon verre tant je ne retrouve rien de plaisant là-dedans.
Bref peut-être qu’un amateur de whisky y trouvera son bonheur mais l’amateur de rhum fruité qui est en moi n’est pas prêt d’y remettre le nez, dans ce « rhum ».
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5 – UK Saint Lucia 2007 – 58,9%
On change de terre de rhum, direction la petite île de Sainte-Lucie. Au programme un rhum évidemment issu de Saint-Lucia Distillers, mais plus précisément de leur colonne Coffey. Pas de Pot Still au programme donc, on est face à une des productions « légères » de la distillerie. La fiche technique est beaucoup plus classique que la précédente puisqu’on est face à un rhum distillé en 2007, ayant vieilli 11 ans sur place en fût ex-Bourbon avant de terminer par 2 petites années en fût ex-Cognac chez Ferrand. Cet embouteillage, destiné au marché anglais, titre à 58,9% et est sorti à 544 exemplaires pour un prix de sortie approximatif de 150€. Le moins cher de la série donc, mais aussi le plus jeune et de loin.

Nez
On sent tout de suite que le bois va prendre de la place dans ce rhum. Le profil est immédiatement basé sur un trio bois/caramel/vanille. Ensemble ils forment un trio « classique » dans le rhum mais sont ici bien retrouvables. Les fruits secs viennent compléter la perception, accompagnés d’un côté vineux/cuit, légèrement grillé. Agréable mais pas transcendant.

Bouche
Pas de surprise, là aussi le bois occupe le premier plan. Il est bien marqué et apporte son amertume à la dégustation. Le caramel est ici encore un peu plus grillé et accompagné d’épices comme le poivre et la muscade. Les fruits sont discrets et plutôt secs comme au nez. La longueur est elle aussi relativement courte, le rhum s’éteignant plutôt rapidement sur la langue.
Voilà donc un Sainte-Lucie qui plaira aux amateurs de rhum plus « consensuels » mais qui ne trouvera pas son public chez les buveurs de rhum de caractère, ceux-ci savant bien qu’ils doivent se tourner vers les rhums de Pot Still de l’île 😉
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6 – France Jamaica Clarendon 1984 – 74,8%
On termine par la « bête » de cette série extrême 4, j’ai nommé ce Clarendon de 1984 (!) sélectionné par le distributeur français bien connu, La Maison du Whisky. La bête d’abord parce que le distributeur a souhaité garder le rhum brut de fût malgré le titre alcoolique affiché de 74,8%. Autrement dit les trois quart de la bouteille sont constitués d’alcool pur… ça commence à faire vraiment beaucoup et nombreux sont ceux qui pensent que c’est bien trop et qu’une réduction de quelques degrés n’aurait pu que faire du bien à ce rhum. La bête aussi parce que si vous avez suivi un peu le marché, vous aurez vu apparaître d’autres « Clarendon/Monymusk 1984 » récemment. Velier en a notamment sorti 2, Silver Seal en a également sorti un. Pour la petite histoire, je vous laisse lire l’article de l’ami Olivier Scars qui raconte tout ça très bien et réalise d’ailleurs la dégustation comparative des 4 fûts 🙂 Nous nous concentrerons ici sur l’embouteillage Plantation, qui après distillation sur le Vendôme double retort a passé 35 ans en fût de Bourbon pour terminer par une année supplémentaire en fût Ferrand. Il est sorti à 352 exemplaires et s’est vendu autour des 400€ pour les rares privilégiés ayant pu l’approcher. Un prix qui peut sembler haut mais qui n’est tout de même que la moitié du prix des fûts frères sortis par Velier… la boîte en bois coûte cher en Italie 😉

Nez
Hmmm nous voilà avec un beau profil comme je les aime. Les fruits sont présents et ne se cachent pas, ils sont tantôt confits, tantôt cuits, il y a de la pêche, de l’abricot, de la prune, de la mangue et même une pointe de fraise et d’ananas! Ils sont accompagnés par un boisé enrichi de tabac, de vanille et de ce côté vineux qui me rappelle l’Armagnac. Niveau intégration de l’alcool ça semble étonnamment doux, même si par moment des vapeurs nous rappellent le monstre face auquel nous nous trouvons. Dans tous les cas en revanche peu de marqueurs typiques de la Jamaïque: pas de trace de solvant et les fruits exotiques sont timides, presque discrets.
Bouche
Une fois sur la langue en revanche le jeu n’est plus le même. L’alcool est bien présent et prendre une gorgée sans prendre ses précautions n’est vraiment pas recommandé. On prend de petites gorgées, avec de la salive en bouche et le rhum s’exprime pleinement sans brûler. Immédiatement la bouche est envahie d’une vague de chaleur derrière laquelle le bois est bien présent (plus qu’au nez), accompagné de fruits confits. Le profil est épicé, avec de la réglisse notamment, et la chaleur agréable englobe les fruits retrouvés au nez pour une dégustation agréable.
Un beau jamaïcain donc, à ne pas mettre entre toutes les mains, mais qui a énormément de choses à dire et qui parvient à les exprimer sans se laisser écraser par le bois. Une belle surprise pour ma part tant je craignais un jus de bois imbuvable à cause de l’alcool!
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Conclusion
Il est maintenant temps de conclure cette triplette de dégustations. Je ne vais pas revenir sur le Guyana dédié au marché belge tant il n’a pas sa place ici à mon sens, bien trop whisky passé en fût de rhum plutôt que l’inverse. Pour la suite le Sainte-Lucie est un rhum somme toute sympathique, agréable et qui au final s’exprime sans être trop opulent. Certes je les préfère plus expressifs (un peu comme celui sorti par Old Brothers l’année passée) mais il en faut pour tous les goûts et c’est un rhum correct. Enfin ce Clarendon constitue la bonne surprise de cette série et même si ce n’est pas un rhum que l’on boira tous les jours facilement, c’est une belle bouteille à posséder dans son bar et à faire descendre tranquillement, en douceur et en le savourant…