Saison 4: 2019-2020, Soirées Amis des Amis du Rhum

S4 E5: Une soirée à Sainte Lucie

Après une parenthèse enchantée autour des Armagnacs de L’Encantada, il est temps de se recentrer sur le rhum et de reprendre notre itinéraire là où nous l’avions laissé. Il y a de cela un mois et demi nous faisons escale en Martinique pour une soirée dédiée à La Favorite, cap au sud pour l’île de Sainte Lucie et sa seule et unique distillerie: Saint Lucia Distillers!

Les rhums de Sainte Lucie sont donc tous issus d’une seule et même distillerie mais ne sont pas tous semblables, loin de là. D’abord la matière première varie, la fermentation se faisant en grande majorité à base de mélasse, celle-ci est entièrement importée du Guyana et de République Dominicaine. Un faible pourcentage de fermentation à base de pur jus à cependant lieu avec le peu de canne qui pousse sur l’île. Deuxième source de variation, l’alambic. La distillerie en possède 4: une colonne inox type Coffey Still, un alambic « Vendôme » et deux alambics « John Dore », un de 600 litres et un de 6000. Les rhums de l’île seront donc à base de distillats de ces 4 alambics, soit assemblés, soit purs. Aujourd’hui nous allons donc passer en revue les embouteillages réalisés tant par les indépendants que par la distillerie elle-même.


Dégustation

1 – Toz white – 40%

Nous commençons comme d’habitude avec un rhum blanc même si ici il ne s’agit pas réellement d’un blanc. Alors oui, d’apparence c’est translucide et incolore mais en fait le TOZ est un assemblage de distillats de la colonne et des alambics qui a été vieilli 5 ans en fût de Bourbon. Après ce vieillissement le rhum est filtré au charbon pour en faire un rhum blanc. Le processus est discutable tant il tend à faire perdre de ses qualités au produit filtré en général donc voyons ce que celui-ci nous propose pour un prix abordable d’une trentaine d’euros.

Nez

Au premier abord le profil paraît alcooleux mais rapidement les fruits prennent le dessus avec du citron, de la fraise et de la framboise. Le profil est plutôt sucré avec une touche de miel et de chocolat blanc. Une pointe herbacée vient compléter le tout.

Bouche

En bouche c’est relativement léger (40% oblige). Le citron devient vert et se garnit d’un fort côté végétal/herbacé qui apporte de la fraîcheur sur le palais. Des notes de framboise, de rancio (porto-sherry) et de chocolat blanc viennent agrémenter le tout mais il s’éteint tout de même rapidement en bouche, nous laissant plutôt sur notre faim.


2 – Chairman’s Reserve Forgotten Casks – 40%

Nous entamons ensuite avec la « marque » la plus célèbre de l’île puisqu’il s’agit de Chairman’s Reserve. La gamme est vaste mais se situe toujours dans une fourchette de prix abordable entre 30 et 50€. Cette série-ci, initiée il y a quelques années, est associée à une belle histoire (libre à vous d’y croire). En 2007 un incendie a touché la distillerie et à cette occasion le maître de chai aurait fait mettre à l’abri les fûts les plus précieux. Tellement bien à l’abri que des fûts auraient été oubliés et retrouvés plus tard pour nous donner cette bouteille. Autant vous dire qu’on a du mal à y croire mais peu importe, nous sommes face à un rhum vieilli entre 5 et 11 ans et qui constitue la figure de proue de la gamme.

Nez

Immédiatement le profil est gourmand. C’est rond, vanillé, sucré, bref tout pour séduire l’amateur. Derrière ce côté séducteur on retrouve des agrumes (citron, orange), un peu d’ananas et de coco, du pain grillé/toasté et une touche de fraîcheur style herbe coupée.

Bouche

Confirmation du profil olfactif, en bouche c’est sucré, rond et gourmand. Si celui-ci n’est pas sucré avant l’embouteillage alors c’est que nos palais respectifs sont hors service 😀 Les fruits sont compotés cette fois, sur le raisin sec. C’est toujours vanillé avec un peu de boisé et une touche de miel. Des épices tentent de relever le tout (muscade) mais le rhum s’éteint encore une fois très vite en bouche, la faute au sucre évidemment.


3 – 1931 batch IV – 43%

On continue avec les embouteillages officiels de la distillerie avec cette fois la partie plus « haut de gamme » de leurs bouteilles. C’est à l’occasion du 80ème anniversaire de la distillerie, en 2011, que le premier batch de cette cuvée 1931 est sorti. Le succès étant au rendez-vous ,d’autres batchs se sont succédés avec une composition à chaque fois variée tant dans l’âge que dans la répartition Colonne/Pot Still.

Pour cet assemblage-ci, les informations sont pléthoriques, il s’agit d’un assemblage de:

  • 46% de rhum de mélasse sur colonne
  • 11% de rhum de mélasse assemblé colonne/alambic
  • 32% de rhum de mélasse d’alambic à repasse
  • 11% de rhum pur jus issu d’un John Dore et vieilli 6 ans

Les rhums de mélasse ont entre 7 et 15 ans et le vieillissement s’est fait à 94% en fût de Bourbon et 6% en fût de Porto (infos: http://durhum.com/sainte-lucie/).

Nez

Plutôt gourmand, le nez est un mélange d’épices et de fruits. D’un côté on retrouve des fruits rouges bien mûrs, accompagnés de vanille bourbon. De l’autre la réglisse qui s’accompagne de poivre et de cannelle. C’est assez typé « mélasse » mais relativement doux.

Bouche

De nouveau assez sucré en bouche malheureusement. C’est lourd, gras et chaud sur le palais. Le boisé est présent et apporte une astringence en fin de bouche. Les épices sont présentes, poivre et curcuma notamment, accompagnées d’une touche de pomme. La longueur est correcte malgré le côté sucré mais le profil global est tout de même trop léger pour nous plaire vraiment.

4 – Silver Seal Dennery – 43%

Nous passons ensuite à une bouteille que l’amateur attentif au marché secondaire voit passer très régulièrement. Ce Silver Seal fait office de « mal aimé » des rhums de Sainte Lucie. Les retours font état d’un rhum surprenant et non relevant du profil de l’île mais avant d’y goûter, regardons ce que nous trouvons comme informations sur la bouteille. Et on peut dire que le tour est vite fait, rayons informations c’est le vide sidéral. Seule référence, le nom Dennery qui rappelle le lieu d’une ancienne distillerie de l’île. Mais à côté de ça, pas d’année de fabrication, pas d’indication d’âge ni aucune autre information.

Nez

Le profil est plutôt chargé. Il rappelle un vieux Porto à Michaël, avec du boisé, du caramel et du café. Les notes de torréfaction se joignent au côté pâtissier, à une pointe de cuir et à une touche de pomme mûre. Plutôt lourd donc, il rappelle nettement un « ron » sud-américain. Thomas ose même le parallèle avec Dictador mais il est bien le seul 😉

Bouche

Nettement boisée, c’est lourd comme prévu. Le tabac, le caramel grillé et les épices sont bien présents avec un côté légèrement sucré. Le côté vieux Porto se retrouve sur le palais également avec un rancio plutôt présent. La longueur est moyenne et plutôt linéaire. La réglisse ressort avec les notes torréfiées précédemment rencontrées.


5 – Berry’s Bros 14 ans – 46%

Continuons avec cet embouteillage d’un autre embouteilleur indépendant bien connu: Berry’s Bros. Ce Sainte Lucie ne présente pas beaucoup plus d’informations que le précédent si ce n’est qu’il s’agit d’un rhum vieilli 14 ans, certainement en Écosse. On le verra à la dégustation mais il suffit également de mettre le nez sur le goulot pour se rendre compte qu’il contient une belle part de rhum de Pot Still.

Nez

Comme dit juste au-dessus, le nez sent bon le Pot Still. Les fruits exotiques sont bien présents avec de l’ananas, de la mangue, de la pomme et de la pêche. Les épices sont présentes aussi avec du curry et de la cannelle, ainsi qu’une pointe végétale. Bien sûr le côté solvant est présent et va nous ramener tout doucement vers un profil plus jamaïcain.

Bouche

En bouche c’est plaisant, le boisé fondu vient se mêler aux fruits exotiques bien mûrs pour un profil assez lourd, typique de la mélasse. Le sucre brun fait des apparitions, ajoutant une touche de douceur sur ce profil plutôt marqué. Les épices sont toujours là aussi mais plutôt sous forme de poivre et de piment. La longueur pourrait être plus longue mais avec 46%, difficile d’espérer quelque chose de très persistant.


6 – Duncan Taylor 2002 – 52,6%

Restons dans les embouteilleurs indépendants écossais pour aller chez l’autre grand du métier: Duncan Taylor. Comme à l’accoutumée les étiquettes sont bien remplies et nous avons cette fois plus d’informations sur le contenu de la bouteille (ça fait du bien). Au menu donc, un rhum distillé en 2002 et embouteillé après 11 ans en 2013. L’étiquette fait état d’un fût unique dont le rhum est issu d’un Pot Still. Le tout a été embouteillé à un titre classique pour Duncan Taylor de 52,6%.

Nez

Voilà un profil qui va parler aux amateurs du genre. L’intensité va monter petit à petit pour dévoiler au final un profil végétal avec des fruits mûrs. La banane évidemment, l’olive verte aussi et le foin comme souvent. Le profil est beurré et pâtissier, ajoutant un rancio et même des notes de bois mouillé par moments. Pour Michaël, un parallèle est possible avec le HERR pour certains arômes.

Bouche

Cohérent avec le nez, la bouche est chargée. Tout d’abord l’olive, la saumure et la banane sont toujours présentes. C’est chaud en bouche mais l’alcool est bien intégré. Le bois mouillé a disparu mais des notes tourbées font par moment leur apparition. Un côté sucré se manifeste, accompagné de touches de réglisse qui ajoutent de la gourmandise à l’ensemble. La longueur est correcte et cohérente, avec des notes de grenadine par moment. Thomas y a trouvé un côté métallique qui l’a dérangé en revanche.


7 – Old Brothers Chairman’s Reserve – 59,1%

Nous terminons enfin par un rhum que je ne vous présente plus puisqu’il en a été question longuement dans l’article qui lui est dédié: https://lesamisdesamisdurhum.com/2020/01/13/old-brothers-saint-lucia/. Les notes ci-dessous seront donc plus concises.

Nez

Le nez est sur les fruits exotiques confits et les fruits secs. L’orange est en marmelade, avec un peu d’amertume. Le boisé est léger, avec du cacao et avec une pointe d’olive. Le profil est lourd et on sent clairement qu’il a besoin d’ouverture.

Bouche

Tout aussi intense en bouche qu’au nez, pêle-mêle il y a de l’orange, de la prune, du citron, de la bergamote et des fruits secs. Les épices se manifestent aussi, avec une pointe de cumin, de girofle et des olives, ainsi que les notes plus lourdes de cacao et de cuir. Bref, nous allons le savourer longuement car il le mérite bien.


Conclusion

Voilà donc une soirée qui nous aura fait parcourir tous les profils des rhums de l’île, avec des choses très intéressantes et d’autres qui le sont moins, notamment de part un ajout de sucre plus que suspecté. Les Pot Stills de l’île ont clairement un beau potentiel et il suffit de voir ce que peuvent proposer le Duncan Taylor et l’Old Brothers pour se rendre compte du potentiel local.

Notre prochaine soirée nous verra revenir dans les antilles françaises puisque nous irons en Guadeloupe, chez Reimonenq et Montebello pour une soirée de duels qui s’annonce déjà passionnante!

3 réflexions au sujet de “S4 E5: Une soirée à Sainte Lucie”

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