L’automne c’est la saison de la pluie, du vent et de l’arrivée du froid. Mais c’est aussi la saison des salons en général et celle du Whisky Live Paris en particulier. Penchons-nous donc sur cette édition 2023 qui visait toujours plus haut puisque cette fois-ci le salon occupait l’entièreté de la grande Halle de la Villette, soit une surface totale inédite. Autre nouveauté, une limite sur le nombre de places qui a conduit chaque jour à un soldout du salon. Ces deux éléments cumulés ont eu une conséquence plus qu’appréciable: à tout moment la circulation dans le salon était agréable! Pas de difficultés à traverser la Halle, pas de soucis pour accéder aux stands, bref une vraie réussite à ce niveau-là!

Rayon dégustation, comme d’habitude, il y avait de quoi déguster pendant une semaine entière, même sans aborder le whisky… Autant dire qu’il a donc fallu faire des choix malgré deux jours de présence! On va donc tenter de vous faire un résumé des choses qui nous ont marqué, tant côté Rhum que côté Cognac, Armagnac ou encore Calvados, même si seul le rhum sera concerné par cet article, les autres spiritueux suivront!
1 – Le Rhum de Martinique et de Guadeloupe
Commençons par Neisson, premier stand de la journée où le « Clos Godinot » (« Dekolaj » pour sa version du marché local) a été présenté. Produit très bien fait, un petit bonbon de 52,5% qui mêle rondeur et fraîcheur, une belle réussite pour commencer la journée! Nous avons ensuite découvert les 3 « Straight From the Barrrel » sortis pour la collection New Vibration (et un petit bonus). Le Vevert #88 et le MainMain #410 sont assez déséquilibrés, trop sur le boisé, avec un alcool un peu trop présent et surtout un manque de fruit. L’Adrien #667 est lui plus rond et donne plus de fruité. Le bonus viendra du Adrien #661, un vieux de 2020 labellisé Bio, qui se révèle être le meilleur des 4 avec un joli profil riche.
Restons dans le bio la nouvelle mouture du vieux bio: un bel assemblage de profil 105 (80%), 25 (10%) et 47 (10%) qui nous donne une belle rondeur mêlée à un boisé gourmand, avec des notes pâtissières, de vanille et de fruits secs. Un beau coup de cœur pour l’équipe. Enchaînons avec prochain « ESB » en fût de Mizunara, qui est plutôt frais et marqué par les fruits à coques. L’alcool est bien intégré et de jolies notes d’agrumes en font une belle réussite. Le bouquet final de notre passage sur le stand sera le Zetwal Polaris, un assemblage de millésimes (2000, 2005, 2012 et 2013) présenté dans une magnifique bouteille. Au premier abord il est un peu léger et demande un bon moment pour s’ouvrir. Après de longues minutes, il nous dévoile un profil fruité gourmand marqué de notes plus lourdes. Une belle complexité que l’on avait pas croisé chez Neisson depuis bien longtemps. Dommage que son tarif soit aussi élevé que les étoiles sont nombreuses dans le ciel…

Changeons de stand et dirigeons-nous chez Bally, où Marc Sassier nous régale avec la cuvée d’exception sortie pour les 100 ans de la marque. La carafe contient un assemblage de 1929, 1939, 1955 et de 1975, le tout sur une base de 2008. Le résultat est superbe, avec un nez bien fruité, gourmand, sur les fruits confits et le pruneau, alors que la bouche se pare d’un joli boisé marqué par la cerise noire. Voilà de quoi nous faire remonter le temps sur les anciennes notes de Bally.
Changeons d’île, direction la Guadeloupe avec un premier arrêt chez Bologne qui nous propose une nouvelle carafe millésimée de 2014 : c’est rond, avec des notes de café, c’est bien fait mais pas d’effet « woaw » pour Thomas. Direction Papa Rouyo ensuite, qui nous gratifie d’une nouvelle sélection « Vibrasyon » (pour la collection LMDW), un « ESB » très bien fait, sur les notes de sucre cuit avec des notes de chanvre, un produit qui a beaucoup plu à Thomas cette fois. Dans la même distillerie mais sur un autre stand, la version 2022 disponible en Habitation Velier est en revanche assez sèche avec une palette aromatique assez restreinte. Karukera de son côté nous a fait découvrir son « Insolite », qui est pour le coup… assez insolite! Il est très rond et semble plus vieux que son âge. Une belle réussite qui sort un peu des notes typiques de la marque. Terminons par Longueteau, chez qui nous avons goûté les nouvelles récoltes des parcellaires 1 et 4. Nette préférence collégiale pour la Parcelle 4 sur cette récolte, avec un profil de ti’punch naturel, sans devoir y ajouter le citron vert et le sucre!

Nous faisons ensuite un arrêt prolongé chez Montebello, histoire de rattraper notre retard sur la gamme complète présentée. Beaucoup de références sur le bar, nous passerons rapidement sur la série « La Rencontre » qui nous présente différentes finitions, toutes trop marquées à notre goût pour y retrouver le rhum (à part peut-être le finish Armagnac Charron, plus équilibré). Pour le reste, le 3ans « brut de fût » est assez réussi, un profil vif et boisé plutôt agréable. Le nouveau « Zenga » gold nous a divisé, fortement marqué par son finish « Rye », on aime ou on aime pas. Terminons par le nouveau « Zenga » black, un blanc vif, citronné et qui assèche la bouche. Assez réussi là aussi même si nos souvenirs nous font pencher vers une préférence pour le premier « Zenga ».
2 – Le Rhum du reste du monde
Restons dans les DOM-TOM français avec la Réunion. Cette édition 2023 marquait le retour de Savanna au Whisky Live et le stand nous proposait pas mal de choses. Du nouvel « Absolu 2023 » à la carafe anniversaire « Origine 1870 » en passant par le « Vast » et pas mal d’autres choses (sur et sous le stand). Thomas a relevé pour vous « l’Absolu », qu’il a trouvé réussi, avec un assemblage assez rond avec une pointe de menthol et de sucre cuit. De l’autre coté de l’île se trouve la distillerie Isautier qui nous présentait cette fois 2 cuvées pour LMDW: « L’aventurier » (un rhum de mélasse de 18ans) et « L’audacieux » (un rhum agricole de 15ans), tous deux dans un version réduite (55%) et dans une version surgonflée (entre 75% et 80%). Les 4 sont bien réussis, on y retrouve la « patte » de la distillerie mais avec une complexité aromatique plus ample. Thomas fait le constat d’une amélioration de leurs cuvées d’année en année.
Tant qu’à être dans ce coin de l’océan indien, Thomas en a profité pour découvrir une distillerie qui l’intriguait depuis maintenant un bon moment : Takamaka. Bien qu’ayant déjà testé la version Habitation Velier, il voulait se pencher sur la gamme standard. En résumé, le rhum-geek qu’il est n’a pas trouvé un grand intérêt à la gamme, les notes sont assez classiques et on est plutôt sur des rhums ronds (même s’il sont bien fait). Petite préférence pour le « Grankaz » qui est plus complexe sans être non plus ahurissant. Les éditions prévue pour LMDW (les « clos ») sont pour lui trop marquées par le finish, rendant le rhum originel invisible.

LMDW (La Maison du Whisky) nous revient avec trois nouveaux produits dans sa gamme propre: un « Cambodgia 2018 » sympa sans être fou, un « Barbados 2006 » (Foursquare) assez déroutant (plus végétal que les marqueurs habituels de la distillerie) et enfin un « Jamaica 2010 » bien fait avec bel équilibre mais un prix trop élevé pour en faire un bon rapport qualité/prix.
Chairman’s Reserve nous présente deux nouvelles cuvées. La première : un « John Dore 1 » de 11 ans (2010) assez consensuel, dans les notes habituelles des sélections de la marque. Le second : un « Vendôme » de 15ans (millésime 2006) est bien plus intéressant, sur les fruits confits, il est gourmand et bien équilibré.
Chez Wild Parrot, le Guyana 23 ans (1999) est bien fait, fin et gourmand, alors que le Fiji 13 ans (2003) a subit un vieillissement en fût de Whisky qui gâche vraiment tout le produit à mon sens (allez plutôt boire un whisky si vous aimez cela). Le Réunion 6 ans (Savanna Grand Arôme de 2016) est superbement fruité, vraiment top, mais bien trop cher…
Chez Appleton un rhum de 17 ans (Pot Still) bien fait mérite d’être souligné tant la marque ne nous a pas habitué à ce genre de fiches techniques. Malheureusement le prix est lui aussi trop élevé. Petit passage chez les embouteilleurs de « Sponge » pour un Caroni et un Uitvlugt tous les deux bien réalisés. Enfin un détour chez Rum Nation pour goûter à leur Jamaïcain brut de fût assez sec et complexe.
Côté Plantation nous avons eu droit une sélection de trois jamaïcains pour LMDW, âge et distilleries différentes. Première bouteille il s’agit d’un assemblage de rhums issus de deux distilleries (New Yarmouth et Worthy Park), distillés en 2010. Pas mauvais mais trop sage pour ce qu’on attend d’un jamaïcain. Ensuite il y avait un Long Pond ITP de 23 ans. Distillé en 2000, il a passé 17 ans en Jamaïque (!). Le nez est typique sur les fruits bien mûrs, la bouche ajoute de la fraîcheur au profil attendu, très sympa. Enfin un Hampden HJF de 15 ans (2008, 10 ans en tropical) qui lui a tout ce qu’il faut où il faut. Le profil est typique, de l’ananas au caramel brûlé en passant par les solvants, une belle réussite. Outre la qualité des rhums, il faut souligner les prix de ventes de ces 3 bouteilles, très corrects au vu de l’âge des produits, contrairement à la presque totalité des autres sélections pour le catalogue LMDW.

Passons enfin chez Velier, l’embouteilleur italien qui chaque année nous propose une pluie de nouveautés mais dont la qualité varie d’autant plus que la quantité présentée est importante. Du coté de « Habitation Velier », le Amrut blanc est intéressant bien que son utilisation est difficile à cerner… pur? en cocktail ? Vient ensuite un Renegade 2021, sans doute le moins réussi de la série de cette année, avec des notes métalliques désagréables. Le Hampden 2016 OWH devient un classique de la gamme, pas mal fait mais trop léger aromatiquement parlant.
Rayon « Papalin », il y avait un Haïti de 6 ans, ex-sherry, bien fait et assez gourmand, bref un daily dram. Le Réunion 10 ans (un Savanna Traditionnel/industriel ? ) est assez consensuel mais bien fait.
Du coté des Clairins, le Sajous 5 ans (ex-Sherry) est très bien fait, alors que les Vaval et Casimir (8 ans chacun) ne sont pas mauvais, mais ne sont pas exceptionnels.
Le nouveau Providence 2020 (avec un vieillissement en fût neuf) est très intéressant et donne des notes assez différentes de première version.

En dehors de ces gammes, nous avons pu découvrir un Hampden 2020 HLCF Single Cask de 3 ans (embouteillé pour le salon) très sympa mais au prix déconnecté vu son âge. Il y avait aussi un Cambridge (Long Pond STCE) 18 ans de 2005, très concentré et complexe, il a bien plu et il sera très intéressant de voir ce qu’il devient avec de l’aération. Le troisième de ces embouteillages est un Last Ward (Mount Gay) de 2007 qui est intense et complexe également. Deux belles références que voilà!
Reste enfin les « mythiques » Caroni, dont nous avons eu la chance (que dis-je, l’insigne honneur), de recevoir quelques gouttes! Le #3 (1994) est bien trop boisé, au point de même masquer les marqueurs de la distillerie. Le #4 (1996) est lui bien plus agréable et équilibré. Par contre vu les tarifs annoncés et de la faible disponibilité, inutile même de les envisager!